En mars 2017, a germé l’idée d’une Fiction Coporelle loup incluant une dimension de médiation envirronementale. Depuis, ce qui était un projet a pris la forme d’un processus, d’une aventure, délicate à positionner en quelques ligne tant les déplacements ont été nombreux. Voyant arriver la fin d’un cycle avec un point d’orgue cet été, je trouve enfin les mots pour en parler ici, au printemps 2019.
Les loups relient. Cette enquête sur le pouvoir de médiation des loups m’a conduit de fermes en alpages à travers les Alpes, Ardèche, Corrèze, Creuse, Drôme, Jura. De stages, en rendez-vous et marches, j’ai rencontré des personnes humaines et animales, des administrations locales, nationales et internationales, des troupeaux, des bergers, de l’herbe et l’énergie solaire qu’elle capte.
Par les montagnes, vallées, par les bois et les villes, par les transports, de laboratoires en bureaux, j’ai rencontré des chasseurs, des éleveurs, des chercheurs, des vétérinaires, des associations, des anthropologues, des médiateurs territoriaux, des aristocrates de la nature, des philosophes, des militants, des enfants, des équipes de tournage animaliers, des thérapeutes, une medecin urgentiste, un designer de données, un ecclésiaste, des élus, quelques loups, mais surtout leur effets, des traces, des poils, des images, des rêves, des valeurs, des cultures, des handicaps et beaucoup d’émotions, j’ai rencontré moi-même comme un processus.

Cette chronologie de l’enquête retrace le parcours que nous avons suivi à travers une sélection d’évènement clefs. Aujourd’hui (en mai 2019), deux périodes se distinguent :
de mars 2017 à fin 2018, l’intention artistique se modèle au fil de l’enquête de mes séjours de création sur la Montagne Limousine avec un groupe testeur-contributeur, dont la composition reflète la diversité des personnes concernées par les loups. Loups dont le retour sur la Montagne Limousine est prévisible, sans être avéré.
Fin 2018, tout s’accélère face à l’imminence perceptible de la réinstallation des loups sur la Montagne. Les instances politiques locales et régionales se cherchent et se re-positionnent. Suite à l’organisation d’un stage public en janvier 2019, notre démarche rencontre de nouvelles perspectives de collaborations.
En mars 2017, je suis invité par Quartier Rouge sur la Montagne Limousine à partager la Méthode pour se sentir cachalot en 2h30. Suite à cela, j’ai le désir d’élaborer une nouvelle “Fiction corporelle” qui puisse servir d’outil méthodologique pour des humains qui ont à négocier avec des animaux. Je rencontre alors un ensemble de personnes qui me suggèrent d’élaborer une méthode pour se sentir loups. À cette époque, le retour des loups sur la Montagne Limousine est envisagé comme probable, même s’il n’est pas acceptable par tous. Pour ma part, j’habite dans les Alpes de Haute-Provence, où les loups se sont réinstallés depuis une vingtaine d’années. Ici, certaines personnes disent être dégoûtées de participer aux projection-débats qui tournent aux combats de projections et d’arguments. Un format est à inventer.
Afin de mieux comprendre les enjeux du retour des loups, je passe une partie de l’été 2017 avec un berger dans les Alpes. Quelques années plus tôt, la confrontation avec des loups l’avait placé dans un stress intense, des nuits blanches à répétions, il avait perdu pied. Cette violence vécue l’avait amené à refuser la présence des loups. Alors que je le rencontre, il dit que les loups font désormais partie de son travail. Ce changement de posture face aux loup coïncide avec l’arrivée dans sa vie d’une nouvelle compagne et d’un nouvel enfant. L’histoire de son déplacement personnel résonne avec ma lecture du moment, “Apprivoiser son ombre” qui nourrit une interprétation Jungienne de la recommandation de Saint François aux habitants de Gubio en prise avec un loup mangeur d’homme. Pour Jean Monbourquette, le loup incarne la part sombre de soi, celle que l’on refuse et qu’il s’agit pourtant de reconnaitre pour composer avec elle et vivre entier.
Suite à cela, un projet se précise, encore d’avantage comme un processus de changements que comme une forme artistique déterminée : Développer une manière de penser comme un loup, percevoir, se déplacer comme un loup, c’est changer la représentation que l’on a d’eux en se basant sur des observations qui ne sont pas des contes de fée. Développer une représentation sensible et incarnée des loups, c’est réunir un mode scientifique de production de connaissance, et l’intelligence des éleveurs paysans qui met en continuité relation trophique, relation écologique, relation sociale, économie et société. À mon échelle, soutenir la négociation avec des loups, et faire œuvre de médiation entre des humains, ce sont de nouveaux enjeux professionnels qui déplacent mon statut d’artiste.
En octobre 2017, j’assiste au tournage d’un film de fiction présenté comme un documentaire animalier – L’odyssée du loup. En discutant avec le réalisateur, j’entends que sa conception de l’espèce loup en général est fortement marquée par l’observation des loups de cinéma, captifs et ignorants au point de sursauter devant un agneau. Plus tard, face au film fini, je constate la puissance du dispositif médiatique de construction de vérité. Me souvenant du tournage, je constate aussi le hors champs, ce qui a été effacé, ce qui n’a pas été gardé. Le résultat grossi une conception très partielle et partiale de ce que sont les loups. Et sous couvert de le révéler, le film entretient un clivage “entre deux titans en guerre. La civilisation, d’un côté. De l’autre, le monde sauvage”. Ceci me conforte dans la nécessité d’élaborer une nouvelle forme de représentation des loups basée sur des observations en milieu pastoral et soutenir la diplomatie plutôt que la guerre. Une représentation qui soit suffisamment nouvelle pour couper court aux imaginaires associés aux anciennes représentations. Une représentation détachée du conte de fée autant que de la bonne nature*. Une représentation dont on ne peut pas oublier qu’elle est une représentation, si bien qu’elle soutient la réflexion sur la représentation elle-même. Une représentation qui permet de discuter des intentions politiques qui la fonde.
Cette réflexion sur les modes de représentation, la diplomatie et la guerre se poursuit en moi au long d’une semaine en territoire occupé de Jérusalem, en workshop avec un groupe mixte de chercheurs et artistes. L’Institut Métaphorique est un groupe de discussion des usages de la métaphore pour comprendre le monde. La relation est si tendue entre le sujet de nos échanges et le contexte militaire qui nous entoure, que nous n’osons pas en parler autrement qu’en aparté.
En octobre, puis décembre 2017, deux résidences de création sur la Montagne Limousine accompagnent la mise en place d’un groupe testeur-contributeur autour du projet artistique qui s’appelle encore “Fiction corporelle loup”.
Ce groupe est réunit par :
- Le désir d’élaborer une voie moyenne qui dépasse les clivages.
- Une recherche d’apaisement.
- Une attention aux êtres discrets, farouches ou maladroits.
- La co-construction de connaissance
- Une souveraineté des personnes, par l’autonomie de chacun dans la conduite de sa recherche, et l’application à ne pas instrumentaliser ni se laisser instrumentaliser.

Ceci nous amène à élaborer un programme de rencontres et de partage de pratiques. Apparait notamment le besoin d’acquérir des connaissances sur les loups, la protection des troupeaux, les effets psychologique de la prédation pour un éleveur, la manière de soutenir un éleveur en détresse. Nous envisageons un voyage d’étude vers un territoire où la co-habitation du pastoralisme et des loups n’a pas connu d’interruption. En somme, ma recherche artistique est un contexte qui permet à chaque membre du groupe de partager ses propres recherches, chacun restant néanmoins autonome.
À travers l’hiver 2017-18, je profite de la neige pour m’initier au pistage dans les Alpes de Haute Provence. Mon enquête m’amène à rencontrer de nouvelles personnes en vue de répondre aux besoins manifestés par le groupe.
Ainsi, l’éthologue Jean-Marc Landry développe une expertise du comportement des loups en milieu pastoral. En filmant des loups la nuit avec une caméra thermique, son équipe et lui révèlent des interactions entre les animaux sur les pâturages, avec des observations qui ne s’inventent pas comme celle d’un renard mettant un loup en fuite. Diverses lectures et discussions me font prendre conscience que les loups ont des cultures, des manières de chasser et même des caractères variés. J’entend que la protection d’un troupeau est possible, à condition de prendre en compte le comportement des individus loups en présence, et pas seulement les connaissances génériques sur l’espèce Canis lupus. De plus, la spécificité du terrain et la manière dont le bétail est gardé sont déterminants. La protection d’un troupeau implique une production de connaissances à un niveau finement local. Elle passe par des essais et des erreurs, face à des loups qui sont eux-mêmes capable d’apprendre. Notamment apprendre à sauter des filets électrifiés, dans la Drôme.
Au printemps 2018, un atelier sur la Montagne réunit le groupe testeur contributeur et Gérard Vionnet. Eleveur, vétérinaire et berger, il est parvenu sur un alpage du Vercors, à réduire la prédation de 60 à 3 brebis tuées par an. Il nous explique comment son intuition se nourrit de milles indices concrets sur l’état du troupeau et les loups en présence. Il nous fait part de la manière dont il s’y est prit pour leur faire entendre que dans l’harmonie entre le troupeau, les chiens, et les humains, les loups ont leur place en dehors. Cet exposé de Gérard fait synergie avec l’initiation au pistage et piégeage que nous offre Eric Moreau, un des éleveurs du groupe. Nous vivons là une mise en pratique de l’intention que “Ma recherche se nourri de la tienne, qui se nourri de la mienne.” Pour se couler dans une manière d’être loups collectivement, Gérard et moi guidons une marche à la queue leuleu.


De retour chez moi, je rencontre Philippe Barret, qui œuvre comme médiateur territorial au sein de la coopérative Dialter. Face à lui, j’observe que mon parti-pris qui était au départ pour les loups s’était progressivement déplacé vers pour le pastoralisme. À travers notre rencontre, mon parti se déplace encore : pour le dialogue. Que les loups meurent ou demeurent, je veux contribuer à ce que l’éventualité de leur ré-installation vivifie nos manières de vivre ensemble.
En septembre 2018, je passe une semaine sur un alpage du Jura, où Gérard Vionnet garde des vaches, avec ses chevaux et ses volailles. Un soir, Gérard ne rentre pas. Voyant la nuit s’installer, je prends l’initiative de rentrer poules, oies et chevaux. Je me sens à leur service. En les enfermant, je prends conscience que je m’astreins à leur ouvrir la porte le lendemain. Garder des animaux captifs, a fortiori rendre une espèce domestique, c’est s’engager à répondre à ses besoins. Enfermer l’autre, c’est s’aliéner soi-même. Je me découvre en garçon de ferme. L’expérience aurait été banale il y a un siècle. Je constate la dimension initiatique forte qu’elle prend pour moi qui suis né en 1980. J’ai pourtant grandi à 500 mètres d’une ferme laitière.
En septembre 2018, Quartier Rouge et moi nous rejoignons à la capitale, depuis nos campagnes respectives.
Une semaine durant, nous rencontrons des instances supra-territoriales, au Ministère de l’environnement, du développement solidaire et de la cohésion des territoires, à l’ONU avec une représentante du réseau Man and Biosphère, et des partenaires potentiels pour la diffusion ultérieure du dispositif artistique en cours d’élaboration.
Nous constatons une fois de plus que notre démarche artistique répond à des besoins identifiés, face auxquelles ces instances se reconnaissent manquer d’outil ou de connaissance de terrain.
Je présente un aperçu du processus artitique en cours au colloque Arts, Ecologies, Transitions, (LADYSS, Université Paris 8).
En novembre 2018, je passe deux semaines sur la Montagne Limousine. J’arrive avec l’intention d’aller vers une conclusion de ce projet qui, malgré tous nos efforts, peine à trouver son financement. Or, sur place, l’ambiance a changé. La région Nouvelle Aquitaine coordonne une réunion d’information avec des éleveurs au sujet des loups. Invité par Johanna Corbin, une des éleveuses intéressées, je suis rapidement évincé de la réunion sans avoir pu m’expliquer. La violence de l’évènement nous fait prendre la mesure de la détresse des autres éleveurs. Certains d’entre eux rencontrent de nouvelles formes de prédations sur leur troupeau, et se demandent si elles sont l’œuvre de chiens, de renards, de blaireaux, ou de loups. De retour sur son terrain, Johanna découvre avec moi le cadavre de deux agnelles prédatées récemment. Sa propre réaction face aux cadavres la surprend : elle ne vit pas le désarroi qu’elle craignait. Elle y reconnait l’effet du travail préparatoire avec le groupe testeur-contributeur.
Quartier Rouge et moi nous interrogeons sur les effets de l’aventure artistique, somatique, écologique et politique que nous avons entreprise. Nous constatons que nous manquons d’outil pour analyser les situations que nous créons, les processus que nous traversons et qui nous dépassent. Ils nous apparaissent nouveaux, et nous manquons de références pour les évaluer. Nous convoquons le dispositif des “Nouveaux commanditaires en sciences”, qui permet à un groupe de citoyens de commanditer une recherche, avec le soutien de la Fondation de France. Nous formulons le désir d’une étude méta sur notre travail. Une étude qui puisse être à la fois impliquée et distanciée.
En janvier 2019 a lieu une première réunion avec un médiateur du dispositif des “Nouveaux commanditaires en sciences”. Au cours de cette réunion, nous nous essayons à formuler les questions qui pourraient réunir une équipe de recherche. Nous apprenons que la production de la recherche s’étale sur une période de 6 à 10 ans. Nous décidons de continuer.
En janvier 2019 également, nous organisons le stage Comprendre les loups dans leur relation aux troupeaux, avec Jean-Marc Landry. Durant trois jours et demi, la proposition alterne des pratiques somatiques guidées par moi en matinée, et des conférence-discussion menées par Jena-Marc les après-midi. Avec Quartier Rouge, c’est la première fois que nous ouvrons nos activités autour des loups à un public plus large que le groupe initial testeur-contributeur. Pour beaucoup des participants, c’est une prise de conscience du fait que la protection d’un troupeau peut avoir un effet très contraignant sur les autres usages des territoires. Notamment, la hausse des clôtures qui limite la promenade et la chasse. Dans les Alpes, il arrive que les chiens de protection mordent des promeneurs méconnaissants. Au tribunal, les éleveurs sont en tort et le perçoivent souvent comme une injustice, parce qu’ils vivent la nécessité de s’équiper de chiens de protection comme une ingérence administrative, liée au dispositif d’indemnisation en cas d’attaque. Certains bergers ont vu leur clôtures saccagées, ou les chiens de protection fusillés. Leurs troupeaux se retrouvent dans une grande vulnérabilité. Ces faits divers témoigne d’une violente incompréhension entre les différents usagers des territoires pastoraux. Pour éviter cela sur La Montagne Limousine, des participants au stage formulent le désir d’un dispositif de concertation multi-usages.

Par ailleurs, Jean-Marc nous montre que la protection d’un troupeau peut être efficiente, à la condition de connaitre les cultures de chasse des individus loups en présence. La taille du territoire d’une meute (de l’ordre de 200 km carrés) indique la taille du réseau nécessaire à cette activité de veille. Considérant le nombre de loups en France et leur mobilité, il ne serait pas réaliste économiquement de compter seulement sur des professionnels pour mener cette enquête. Or, pour de nombreux éleveurs, la manière dont l’ONCFS (Office National de la Chasse et de Faune Sauvage) gère actuellement la conduite de ces enquêtes leur apparait comme une défiance. La protection des troupeaux nous semble être l’affaire de tous ceux qui veulent protéger les loups. Elle nécessite une forme de transparence et la construction d’une confiance commune. En ce sens, le retour des loups convoquent deux des sens du mot intelligence. La bonne intelligence, celle qui soutient l’harmonie dans la cohabitation entre différents usages d’un même territoire. Et l’intelligence du renseignement, celle de l’enquête en réseau. Ces deux formes d’intelligence sont à (ré)apprendre, à un niveau finement local.
Le second soir du stage, Jean-Marc nous montre comment hurler comme des loups. La proposition peut sembler inattendue de la part d’un scientifique dont la puissance d’observation s’appuie sur des instruments d’imagerie sophistiqués. Mais hurler est une manière efficace de repérer les meutes à la fin de l’été, car les louveteaux de l’année répondent aux hurlements humains. C’est la technique des hurlements provoqués. Dans le cadre de ce stage, hurler est aussi une manière d’agir comme un loup, et pour Jean-Marc, de nous faire ressentir les loups “dans nos tripes”. Qu’entend il par là ? “Autrefois, nous dit il, je sentais la présence des loups, probablement à un ensemble d’indices qui n’arrivaient pas à ma conscience. Souvent, mon intuition se révélait être juste, nous les voyions peu après. Aujourd’hui, cette faculté s’est comme assoupie en moi, mais je l’ai vue à l’œuvre dernièrement chez un de mes collaborateurs. Nous roulions en voiture sur un route enneigée. Soudain, il arrête la voiture, sort, s’approche d’une insignifiante bosse sur le bord du fossé. Il entreprend d’en dégager la neige, et dessous, il trouve une crotte de loup.”
La dernière journée du stage débute par un prototype de simulation : Nous formons deux groupes, la meute et le troupeau, séparés par un filet qui aurait pu être électrifié. Les humains représentant les loups nourrissent chacun leur manière d’être loup à partir des éléments délivrés par Jean-Marc les après-midi précédentes. Les humains simulant les brebis s’appuient sur leur propre expérience et celle des éleveurs présents. Certains participants prennent les rôles de Foxlight (effaroucheur à loup), et de caméra d’observation. Après une phase d’exploration du filet et du terrain, les loups produisent une première attaque.

Nous revenons alors à nos manières humaines d’être, avec la faculté de parler. Nous discutons de ce que nous avons vécu. Puis nous recommençons, chacun reprend un rôle non-humain autour du filet. Trois fois en tout nous passons d’une forme de transe non-verbale, à une situation de feedback collectifs et parlés. A chaque nouvelle simulation, la transe est un peu plus engagée.
Parmi les retours que j’ai notés, deux éleveurs disent que cet atelier marque un tournant dans leur carrière, le regard qu’ils portent à leurs bêtes est différent. Jean-Marc dit avoir pu observer de l’intérieur ce qu’il observe sur l’écran de ses caméras nocturnes. Il en conclut qu’il n’est pas nécéssaire que des loups se coordonnent pour qu’un observateur distant ait l’impression qu’ils le fassent.

Après le stage, j’ai une idée assez claire de la forme à donner à la création en cours. L’idée d’une Fiction corporelle* loup ne me plait qu’en relation avec le monde pastoral. Le projet change donc de titre et devient “Lou pastoral”. J’invente ce néologisme en parlé provençal pour désigner le pastoralisme. Utiliser l’article provençal “lou”, c’est ici faire plusieurs gestes en seul. “Lou” situe le loup comme élément premier du pastoralisme. “Lou” cache le loup, au centre et au-delà d’un espace. “Lou” joue la tradition, c’est à dire une histoire vivante et ancrée dans un pays, comme celle qui re-conquiert avec désinvolture les danses et les joutes provençales, slam inclus
En avril 2019, je présente une retour conté de l’enquête lors de l’évènement ÆNTRE(S), à La Métive qui est située à une heure de route de mon terrain habituel sur la Montagne Limousine. Cette présentation du travail en cours rencontre donc un public complètement nouveau. L’expérience m’encourage à poursuivre le travail d’écriture et de mise en scène.
En avril également, je participe à une commission de l’Association pour le pastoralisme sur la Montagne Limousine. Cette association réunit des éleveurs, des bergers, le Parc Naturel de Millevaches en Limousin et le Conservatoire des Espaces Naturels. Une éleveuse affirme que le travail mené depuis deux ans avec le groupe testeur-contributeur a largement orienté cette réunion, à commencer par ses intitulés : “Cette première réunion se veut ouverte plus largement qu’aux seuls membres actuels de l’assopasto, du moment qu’il s’agisse de partager de la bienveillance à l’égard des éleveurs et de l’ouverture à chercher des pistes pour une cohabitation avec les nouveaux arrivants que sont les loups (ce qui n’exclus pas de devoir en éliminer certains en cas de problème).” Le fait de nommer cette commission “Multi-usage, thématique loup” plutôt que “loup” tout court, indique une perception défocalisée. Le sujet de la réunion n’est pas seulement le loup, mais la cohabitation des usages. Les usages du pastoralisme, de la sylviculture, des chasseurs, des touristes, des naturalistes, de la flore, de la faune et ceux des loups… quand bien même ne seraient-ils que de passage, les loups nous amène à nous réunir.

À venir :
10 juin au 14 juillet 2019, une résidence de création est prévue sur La Montagne Limousine. Elle se conclut par la programmation de Lou pastoral sous une forme longue et une courte, au sein du festival “Horizons géographiques”, les 13 et 14 juillet à Felletin. La préparation de ces temps publics impliquera une complice : Virginie Thomas apporte ses compétences d’artiste chorégraphique et de praticienne somatique. La résidence sera également l’occasion d’avancer sur le programme “nouveaux commanditaires en sciences” (réunion prévue le 20 juin).
Un prototype sera expérimenté avec Chouf chouf, dans les environs de Forcalquier, le 3 juillet.
À l’automne 2019 démarre une collaboration avec Benoit Verjat et Jean-Marc Landry qui se sont rencontrés lors du stage de janvier. Ce projet de recherche a reçu le prix Bonnaval de l’école d’art et design de Saint Etienne. Il a notamment pour objectif de simuler les interactions entre les loups et les troupeaux en utilisant le principe des Fictions corporelles et des méthodes développées pour la simulation de négociation : design d’interactions, design d’instance politique, pratique corporelle.
“Se déplacer pour se rencontrer” est un texte qui fait l’hypothèse d’un lien entre un handicap que j’ai développé au cours de l’enquête résumée plus haut, et cette enquête. Co-écrit avec la chercheuse Julie Rigel, ce texte est à paraitre dans un ouvrage collectif universitaire franco-canadien coordonné par Dalie Giroux et Charles Deslandes.